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Bruno Manser

Le fauteuil gris où tu t’endors
dans ton jardin multicolore
Il tient le vent, il tient la pluie
et le beau soleil d’Italie
Tu l’as vu un jour de printemps
dans un rayon d’ameublement
T’as pas cherché d’où il venait
t’as pas pensé à bien ni mal
Ce fauteuil gris où tu t’endors
C’est un produit qui vient d’Asie
C’est un beau teck de Birmanie
D’une forêt qu’on déshabille
Ce vieux commerce sans scrupule,
où pullulent toutes sortes de crapules
De Sarawak à Bornéo
il a rasé allegretto
Quatre bateaux sont arrivés
en rade c’ matin à Rotterdam
Cargaisons de bois à livrer
Mais ils n’apportent pas de nouvelles de Bruno Manser...

La table basse du salon
est agréable pour les soirées
On boit l’café Max Havelaar
dans la fumée des cigares
Tu l’as payée quelques dollars
à un bizness occidental
T’as pas cherché d’où elle venait
t’as pas pensé à bien ni mal
Le bois d’la table du salon
c’est un produit qui vient d’Afrique
C’est le bois noir arômatique
d’une forêt où l’on trafique
Le gouvernement a vendu
le droit de passage d’exploitation
Mais le village n’en a rien vu
car le ministre, il est félon
Quatre bateaux ont émergé
sur l’horizon ces jours derniers
Dans la brume de mes souvenirs
Mais ils n’apportent pas de nouvelles de Bruno Manser...

Caché dans un coin de mirage
il sourit derrière ses lunettes
Il est de ces hommes sans âge
qui vivent leurs rêves d’allumettes
Logé sous le toit d’une hutte
dans le sous-bois des orchidées
Il tricote ses rêves de juste,
défend ses amis ses idées
De là-bas, loin sous les tropiques
où la forêt construit la vie
De ce monde encore archaïque
où les hommes cassent la vie
Il s’infiltre dans le sommeil
dans les consciences, il fait son trou
En espérant que le réveil
se fasse bientôt peu ou prou
Quatre bateaux ont déboulé
dans la houle de ma mémoire
Parfums de fleurs tout plein les cales
Mais on est toujours sans nouvelles de Bruno Manser...