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Bruno Manser

Désiré est venu tout exprès du Congo
S’installer dans la pluie, la peur, la solitude
Faire du stop dans la neige des froides latitudes
Juste pour s’amuser et se geler le dos...
Ils se sont cotisés, tous, là-bas au village
Ont rassemblé l’argent pour payer le voyage
Selon l’usage
Dans sa poche il emporte les prières
Et le sourire de son grand-père...
S’il pouvait s’installer ça ferait de l’argent
Pour le père et la mère, les cousins, les parents
Sur le bord de la route, c’est un conquistador
Que le destin pousse à braver le vent du nord

Désiré est venu tout exprès du Congo
Pour jouer pour de vrai aux gendarmes et voleurs
C’est bien moins rigolo de jouer pour du beurre
Sans vrais flics équipés de vrais chiens policiers
Mais le chemin est long, il passe par les blessures,
Et les passeurs marrons, qui le laissent fourbu
Au bord du monde
C’est un point fixe, une étoile, un espoir
Qui le guident vers l’illusoire
C’est pour sortir enfin d’une lente agonie
Qu’il veut trouver du pain pour nourrir sa famille
On le lui interdit dans ses rêves qu’on fusille
Il n’a bientôt plus rien qu’un très vieux parapluie...

Désiré est venu tout exprès du Congo
Croyant que son sourire ferait laisser-passer
Que partout on l’aimerait et qu’on l’accueillerait
Ses parents le pensaient et lui, il les croyait
Désiré a toujours respecté les anciens
Ecouté les vieux sages qui disaient la coutume
Dans la poussière
Mais la télé qui clignote au café
Crache les leurres de la richesse
Il a cru que le monde était plein de largesses
Qu’il aurait du bonheur pour un peu de hardiesse
Faut quand même être gonflé de s’appeler Désiré
Quand on arrive chez nous pour demander l’asile...