Après 20 ans d’absence, Claude Ogiz avait choisi la chouette salle de l’Esprit Frappeur de Lutry pour faire son retour. Il y avait convié ceux à qui il avait dit “au revoir, je vais faire autre chose” et invité d’autres qui ne l’avaient pas connu alors, mais savaient qu’il avait chanté !
Sur scène, quatre tabourets sur la même ligne, tous au premier plan, sur un
pied d’égalité. A gauche le bandonéon, Alain Ray,
à ses côtés, à la basse, Dominique Molliat, tout à droite, à la guitare solo,
Jacques Saugy, des pointures. Et au milieu, le cheveu blanc, la moustache gauloise,
Claude Ogiz, un roc, un oiseau de proie, un de ces milans qui tournoient au dessus
de
son lac et qui fondent
sur ce qui bouge, avec précision et qui ne lâchent pas. Qui préfère rester un
soixante-huitard attardé qu’un libéral avancé...
mais bien sûr !
Durant plus d’une heure, ces quatre-là vont nous faire vibrer, nous donner bonheur, émotion et rire. Et plus d’une fois, les yeux
vont picoter, tant ce sera fort et chargé de tendresse. Fabuleuse “Petite mère du marché de Bourg” avec ses fleurs à vendre,
mais c’est pas souvent soleil ! Judicieux emprunt à Pierre Louki pour un malheureux “Nicolas” trop simple d’esprit pour faire un
conscrit mais assez pour faire une victime de guerre.
Claude Ogiz proposera un programme fait de quelques-unes de ses anciennes chansons, quelques emprunts et quelques
nouvelles. Et ça donnera un cocktail savamment dosé, les anciennes se mélangeant aux nouvelles sans qu’on les distingue
tant les anciennes sont restées actuelles et tant les nouvelles portent la griffe de leur auteur et les emprunts se fondant à
merveille à l’ensemble. Et cet amoureux du beau travail ne fait pas les choses à moitié. Une fois la décision prise, la perfection
sera exigée et c’est à quoi il s’attelle! Ce retour par l’Esprit Frappeur en est la première étape visible, le travail anonyme de
l’hiver est derrière. En avant !
Et c’est la puissance qui va l’emporter, la force de cet homme, la force d’abord de cette voix qui n’a pas pris une ride, cette
voix qu’il envoie au nez des Alpes. par delà le lac Léman, cette voix en écho à ce que lui inspirent la vie et l’actualité, l’atrocité
d’une gare terrassée par l’attentat ou la bêtise de mémés en grosses voitures. La disparition de Bruno Manser, comme ces
gens nés le cul cousu d’or et qui manquent de... retenue !
Les chansons vont s’enchaîner sans qu’on puisse reprendre souffle, les siennes anciennes et nouvelles, celles des autres.
Les regards vont s’illuminer: “pourquoi avoir attendu si longtemps ?” Parce que c’est comme ça, parce que le plaisir n’était
plus là et qu’il est revenu. Parce que l’envie a percé son chemin.
Merci Monsieur Ogiz... et on en réclame et on en veut d’autres !
Et - si possible - pas dans 20 ans !
REIMS OREILLE N°1 - juin 2005
Christian Lassalle