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Le journal du Jura

Claude Ogiz ou le retour du chanteur

Sa chance à la chanson française... l'authentique !
Il a côtoyé Trenet, Reggiani et Nougaro.
Vainqueur de la Grande Chance en 1969, Claude Ogiz avait fini par tourner le dos à la chanson.
Viré de la radio locale RJB, il lui a fallu 20 ans pour retrouver le goût du micro...

«J'ai dû me racheter une guitare. Je ne pensais pas que ça s'usait un instrument dont on ne joue plus...»
Et pourtant. Claude Ogiz doit se rendre à l'évidence. Tout prend un coup de vieux avec le temps. Il ne suffit pas de déclamer qu'on va chanter à l'anniversaire de sa compagne. Pour assurer, il faut retravailler la mémoire, dégourdir les doigts rigidifiés par l'arthrose. Mais l'envie de remonter sur scène est la plus forte. Claude Ogiz se met au travail. Il compose textes et musiques de quelques chansons inédites. Il en ramène d'anciennes à la vie. Son talent fait le reste. On est en 2004. Son dernier concert, il l'avait donné 20 ans plus tôt, à la halle de gymnastique de Courtelary...

«A l'époque, les gens n'écoutaient plus vraiment de la chanson française, précise Claude Ogiz. Il était devenu difficile d'en vivre. Je n'avais plus envie.» Cet ancien étudiant de l'Ecole normale de Lausanne, qui n'a en tout et pour tout enseigné qu'un an, mettait donc un terme à sa carrière de chanteur.Une carrière qui décolle en 1969, à l'occasion de sa victoire à la deuxième édition de la Grande Chance, un concours mis sur pied par la Radio et la TV romandes. «C'était un machin énorme, se souvient Claude Ogiz. Il y avait plus de 1000 candidats. Un truc génial!» Soudain, on le reconnaît dans la rue et on l'arrête.

En 1970, il remet ça en remportant le Grand Prix de la ville de Spa, en Belgique. «C'est Trenet qui m'a remis mon prix. Un grand moment! Je n'ai malheureusement pas de photo», s'excuse-t-il. Claude Ogiz n'est pas du genre à frimer. Oui, il a «fait des trucs» avec Jacques Higelin et Serge Reggiani, mais il ne s'est pas fait photographier à leurs côtés pour la postérité...

En fouillant dans ses affaires, il retrouve par contre un croquis de Nougaro. «Après une émission de télé, on est allé manger, explique-t-il. Il m'a fait un dessin sur une serviette en papier.» L'œuvre est signée du maître: «Claude. Pour Claude.» C'est sobre, mais authentique, à l'image du parcours du petit Suisse. Ainsi, en 1974, lorsqu'il décide de s'installer en France, il choisit le Périgord... plutôt que Paris. «Sur le plan de la carrière, j'ai commis une erreur stratégique, admet-il. C'était un choix de vie. J'y ai d'ailleurs bien vécu. Mais contrairement à ce qui a été écrit, je n'y ai élevé ni canards ni chèvres...»
Claude Ogiz sillonne la francophonie, Québec compris. Il enregistre aussi quelques disques. Et en 1981, il revient en Suisse. D'abord du côté de Vevey, la ville de son enfance, puis dans le Jura bernois où il participe au lancement de RJB. «On a monté les parois, posé les planchers et la moquette, lance Claude Ogiz. On a tout fait dans cette radio... jusqu'à ce qu'on se fasse virer!» L'ex-animateur - il sera resté à l'antenne une année à peine - évoque cette période avec la lucidité et la franchise que l'on retrouve dans les textes de ses chansons: «Nous avions annoncé la couleur: pas question d'accepter des pressions politiques. Eh bien! nous avons été victimes des pressions politiques. Mais la radio a été une chouette expérience. Dommage qu'ils l'aient sabotée. Et tout ça pour finir par la vendre au Jurassien Pierre Steulet, ça me fait beaucoup rigoler.»
Licencié avec le reste de l'équipe, Claude Ogiz se met au service du cinéma suisse dont il assure la promotion durant une douzaine d'années. Grand bricoleur devant l'Eternel, il retape plusieurs maisons dont celle qu'il occupe présentement à Chardonne, entre Léman et Mont-Pèlerin. C'est au cœur de cette région chère à Gilles qu'il a retrouvé toute sa verve d'auteur-compositeur-interprète.

A ce jour, il en est à une bonne douzaine de nouveaux titres. De quoi penser à un CD. «J'aimerais bien l'enregistrer cet été, insiste Claude Ogiz. Car aujourd'hui, on ne fait plus grand-chose sans CD. Quand on appelle une salle, la question est toujours la même: vous avez un disque?»

Après un premier concert en mai dernier, il repart à la conquête de son public. «C'est difficile de savoir jusqu'où je peux aller, avoue-t-il. J'espère simplement ne pas dire de conneries et avoir du plaisir à chanter.»

mars 2006
Beat Grossenbacher